Témoignages

Cinq collaboratrices nous racontent leurs parcours, leurs réussites mais aussi leurs difficultés dans l’entreprise. Des femmes compétentes et ambitieuses qui ont su s’affirmer dans des milieux parfois très masculins.

Par Céline de Buttet, Laura Franchet, Isabelle Godar et Grâce Noyal

Objectifs 2023 pour le Groupe

20%

des femmes managers

VS

17%

au 01/01/21

30%

des femmes au sein des instances dirigeantes

VS

17%

au 01/01/21


Amorcé en 2010 par un état des lieux sur la place des femmes dans le Groupe et des actions initiées par chaque Métier, un plan d’actions Mixité a été lancé en 2017 à l’échelle du Groupe.

Objectifs : recruter davantage de femmes et mieux les accompagner dans leur évolution de carrière. De nombreuses initiatives ont été mises en place au niveau du Groupe et dans les Métiers.
Pour autant, l’égalité hommes-femmes dans les effectifs et les instances dirigeantes n’est pas atteinte. Le constat est sans appel : malgré une politique volontariste du Groupe, la capacité à intégrer et faire progresser les femmes au sein de l’entreprise est un défi qui n’a pas été relevé. D’où le lancement, en 2021, d’un nouveau plan d’actions plus ambitieux. Chaque Métier s’est fixé des objectifs annuels et sur trois ans. En outre, l’enjeu est de mettre en visibilité les carrières de collaboratrices qui ont évolué dans l’entreprise.

Parole à cinq d’entre elles

“MON CONSEIL AUX FEMMES : OSEZ !”

« J’ai grandi au Maroc mais j’ai débuté ma vie professionnelle chez Colas Rail en France. Fraîchement diplômée, je me suis retrouvée dans un milieu d’hommes, tous plus âgés. Les débuts ont été difficiles. Il a fallu prouver que je savais de quoi je parlais et que je le disais à bon escient. En 2015, je suis retournée au Maroc pour devenir responsable du parc caténaire sur le chantier de la ligne à grande vitesse entre Tanger et Kenitra, puis responsable Études de prix pour tout le pays. J’étais encore très jeune, toujours dans un milieu d’hommes, mais j’avais une fibre technique et plus d’expérience : je me suis sentie respectée.
À cette époque, j’ai embauché deux femmes pour travailler à l’atelier de confection des pendules des caténaires. Elles ont travaillé avec bien plus de minutie que leurs homologues masculins. Cette expérience de mixité a modifié l’ambiance au travail : il y avait moins de blagues douteuses et plus de respect mutuel.
Aujourd’hui, je vis et travaille au Canada. Dans ce pays, les femmes sont valorisées et considérées comme des atouts au sein d’une équipe. Il existe un tel respect de l’autre que les femmes peuvent bénéficier d’une meilleure évolution dans le milieu du travail. Mon conseil aux femmes : osez ! Osez saisir les opportunités et vous exprimer sans attendre qu’on vous le propose. Dans le Groupe, les femmes sont trop discrètes, voire invisibles : il faut les mettre en avant, tout en étant plus transparent sur les rémunérations, pourquoi pas à travers une grille publique, et respecter un principe d’équité salariale. »

Hajar El Khattar

Responsable des appels d’offre chez Colas Rails Canada
Diplômée d’une école d’ingénieur au Maroc et de l’École centrale de Marseille

« IL EST ESSENTIEL DE SAVOIR COMMUNIQUER SUR SES AMBITIONS
ET SES ASPIRATIONS. »

« Quand j’étais étudiante, les questions d’égalité hommes-femmes étaient loin de mes préoccupations. Je ne pensais pas que cela pouvait être un frein professionnel pour moi. Au début de ma carrière, j’ai travaillé en cabinet de conseil et j’étais la seule femme. Pendant un long moment, j’ai eu l’impression d’être souvent à côté de la plaque sur nombre de mes dossiers car je n’avais pas la même façon d’aborder les sujets que mes homologues masculins, et je ne maîtrisais pas leurs codes. J’ai surmonté cette impression et ce manque de confiance en moi en développant une expertise totale sur mes sujets. Le groupe TF1 est vigilant sur la question de la mixité. Par exemple, j’ai eu la chance de bénéficier du programme de leadership au féminin. Cette formation m’a aidée à prendre conscience que les façons de faire des hommes et des femmes sont souvent différentes, et qu’il est essentiel de savoir communiquer sur ses ambitions et ses aspirations. Ce que les femmes font encore trop peu. La conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle est un sujet important. J’ai pris des responsabilités précisément à un moment où mes deux filles étaient très petites. J’ai longtemps culpabilisé de ne pas passer assez de temps avec elles. La mixité implique aussi un travail sur la parentalité. Pour permettre à davantage de femmes de prendre des responsabilités, l’entreprise doit sans doute accompagner les collaborateurs pour aller vers un modèle plus équilibré. »

Laurence Pera

Directrice de la transformation des antennes de la régie du groupe TF1
Diplômée de l’Essec et d’un master en droit des affaires

« IL FAUT CASSER LES STÉRÉOTYPES QUI IMPRÈGNENT LA FILIÈRE BTP. »

« Née à Singapour, je suis arrivée en France en 2002 pour poursuivre mes études supérieures dans le bâtiment. J’étais ambitieuse et je voulais découvrir le monde. J’ai été embauchée en tant que conductrice de travaux chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France – Construction Privée. On ne m’a jamais dit explicitement que j’exerçais un métier d’homme, mais il y a 20 ans, je faisais face à des moqueries et des expressions machistes qui me renvoyaient systématiquement à mon identité de femme. En 2021, la place des femmes sur les chantiers a beaucoup évolué. Nous avons un rôle à jouer pour montrer que les métiers d’ingénierie ou d’architecture sont tout aussi accessibles aux femmes. Il faut casser les stéréotypes qui imprègnent la filière BTP et ce, dès le plus jeune âge. Aujourd’hui, je travaille au sein de la direction technique de Bouygues Bâtiment International et j’ai eu l’opportunité de participer à des projets de grande envergure comme Ocean Cay aux Bahamas, l’Hippodrome de Paris Longchamp en France, la tour CFC au Maroc. Au sein d’une équipe mixte et multiculturelle, je manage des personnes parfois plus âgées que moi et je souhaite encourager le partage d’opinions. Selon moi, une manager épanouie dans son travail et dans sa vie privée est une source d’inspiration pour toutes les femmes de l’entreprise. À l’école, on m’a appris que rien n’était impossible, que je pouvais être aussi compétente qu’un garçon de mon âge. Cette éducation m’a permis de me construire. Si je dois me porter candidate à un poste qui m’intéresse, je le fais sans hésiter, car il est hors de question que je laisse passer ma chance.”

Jean Goh

Responsable de la planification chez Bouygues Bâtiment International
Diplôme d’ingénieur

« LA CONCILIATION DES VIES PERSONNELLE ET PROFESSIONNELLE EST L’UN DES ENJEUX DE LA MIXITÉ. »

« Au début de ma carrière, dans mes relations avec les parties prenantes des projets, je devais souvent travailler avec des hommes plus âgés et plus expérimentés. Je me souviens que j’avais une voix qui me disait : “Montre-leur de quoi tu es capable !” J’avais le souhait d’être extrêmement rigoureuse et très fiable pour pallier ce manque de confiance en moi. Être dans l’action plutôt que dans l’appréhension de ce qui va arriver est d’ailleurs le meilleur remède. J’ai eu des moments de doute et d’arbitrage. Quand on m’a proposé le poste de directrice d’agence chez Bouygues Immobilier, j’ai hésité. Est-ce que j’en étais capable ? Je me sentais parfois coupable vis-à-vis de ma famille. J’essaie de dépasser cette culpabilité car le temps que l’on passe à se sentir coupable est improductif finalement. La conciliation des vies personnelle et professionnelle est l’un des enjeux de la mixité, selon moi. Les femmes, mais aussi les hommes, ont désormais des aspirations qui ont évolué, le modèle d’avant ne fait plus rêver ! Cela conduit parfois les femmes à se mettre en situation de démission de leur propre ambition pour ne pas avoir à faire le choix de privilégier leur carrière au détriment de leur vie personnelle. Les grands groupes comme le nôtre ont une responsabilité importante pour accompagner ces changements sociétaux. »

Hermine Meisel

Directrice d’agence Bouygues Immobilier à Grenoble
Diplômée de l’école de management de Grenoble

« C’EST DANS LE DOMAINE DE LA PARENTALITÉ QU’IL FAUDRAIT AGIR EN PRIORITÉ. »

« Au début de ma carrière dans le conseil, je me souviens avoir souffert d’un complexe d’infériorité en pensant que les autres travaillaient mieux, plus, et qu’ils savaient le valoriser. Avec l’expérience et après avoir acquis de l’assurance au fil des succès, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. J’ai pris conscience de ma valeur pour avancer. Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir été avantagée ou désavantagée du fait que je sois une femme. Évoluant principalement dans un univers masculin, je l’ai même plutôt perçu comme une force. Je pense que les mesures prises en faveur des femmes, que ce soit dans les politiques de rémunération ou les nominations, nous desservent car elles ne nous mettent pas sur un pied d’égalité. À mon sens, c’est dans le domaine de la parentalité qu’il faudrait agir en priorité. Si les pères étaient plus présents dans la parentalité, et ce dès la maternité, cela pourrait lancer une dynamique différente. Maman de deux enfants, j’ai toujours assumé le fait de ne pas arriver au bureau à 8 h pour repartir à 20 h, mais je pense que les hommes assument moins ces contraintes et cela devrait changer. Toutes les femmes qui ont été maman tout en poursuivant leur carrière devraient avoir une légion d’honneur ! Pour ma part, cela s’est révélé être une force finalement car j’ai appris à aller à l’essentiel et à acquérir plus de responsabilités. Je n’en serais pas là sans mes enfants. Les femmes ont une tendance naturelle à douter d’elles, à se remettre en question, c’est presque maladif, alors que les hommes sont beaucoup plus fonceurs. En ayant été promue directrice de la Relation client chez BTBD, je me suis dit : « Pourquoi moi ?”. Je savais que j’étais compétente pour ce poste mais je n’assumais pas forcément le statut. Le conseil que je donne est de se faire confiance, de s’affirmer et d’aller au bout de ses idées si l’on pense maîtriser son sujet. »

Aurélia Giraudier

Directrice de la Relation client chez BTBD (Bouygues Telecom)
Diplôme d’ingénieur à l’ESME Sudria de Paris.